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Attentats de janvier: « Clarissa a été oubliée alors qu’elle a sauvé des vies »

Cette sensation que l’histoire de Clarissa Jean-Philippe avait été traitée différemment que celle des autres victimes, Le COLLECTIFDOM l’a eu tout de suite. Les difficultés pour l’association de faire adhérer la mairie de Montrouge au projet de la plaque commémorative venait cruellement conforter cette impression. D’ailleurs, ce n’est pas la mairie, mais bien la préfecture des Hauts-de-Seine qui a repris les choses en mains. 
Lors de la cérémonie, la mère de Clarissa s’est entretenue longuement avec le Président François Hollande : que se sont-ils dits ? Espérons qu’elle a pu lui dire ce qui lui tenait à cœur et que les derniers détails matériels non résolus puissent trouver une solution rapide.

Bandeau COLLECTIFDOM couleur 2013

clarissa

Clarissa Jean-Philippe, policière municipale de 25 ans, a été tuée par Amedy Coulibaly à Montrouge (Hauts-de-Seine) lors des attentats de janvier 2015. Collection privée

Il y a un an, entre la tuerie de Charlie Hebdo et celle de l’Hyper Cacher, une policière nommée Clarissa Jean-Philippe mourrait sous les balles d’Amedy Coulibaly à Montrouge. « Une victime oubliée », regrette aujourd’hui sa mère, rongée par les questionnements.

Interview.

Sa mort demeure l’un des mystères de l’enquête sur les attentats de janvier. Clarissa Jean-Philippe, policière municipale de 25 ans, a été tuée en service à Montrouge (Hauts-de-Seine) le 8 janvier 2015 parAmedy Coulibaly. Ce jour-là, la jeune femme intervient pour un banal accident de la route lorsqu’elle reçoit deux balles, dos tourné. Le terroriste visait-il spécifiquement les forces de l’ordre? Ou a-t-il été surpris sur son chemin alors qu’il devait s’attaquer à une école juive, située non loin?

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La question tourmente la mère de Clarissa depuis maintenant un an. Ce samedi, Marie-Louisia Jean-Philippe quittera la Martinique, d’où la famille est originaire, pour assister à l’hommage que rendra François Hollande à sa fille. Pour elle, Clarissa ne bénéficie pas du même traitement que les autres victimes de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher.

Comment avez-vous appris la mort de votre fille, il y a un an?

Au moment où l’attaque a eu lieu, je dormais. J’avais reçu un appel en absence à 4h30 du copain de Clarissa mais je n’avais pas fait attention. Je me suis levée une heure après et j’ai entendu à la radio qu’une policière avait été tuée à Montrouge. Mais ils ne disaient pas son nom! Je savais qu’elle travaillait là-bas et j’ai commencé à paniquer. Mon coeur battait fort, je tremblais, ça me faisait peur. Je me suis dit: « Faites que ce ne soit pas elle ». La veille, elle m’avait dit qu’elle était grippée alors j’ai espéré qu’elle ne soit pas allée travailler.

Le docteur qui l’a soignée m’a ensuite appelé pour me dire qu’elle avait été tuée. Il m’a dit qu’elle avait pris une balle dans le dos et une, profonde, dans le poumon. Qu’on n’avait pas pu la secourir à temps parce que Coulibaly tirait partout dans le quartier. J’ai demandé si elle avait souffert. L’infirmière m’a dit que non. Clarissa n’a pas eu le temps de parler. Elle n’a même pas ouvert les yeux.

Vous doutiez-vous qu’il s’agissait d’une attaque terroriste?

Au départ, j’ai pensé à une intervention classique qui avait mal tourné. Mais la veille, quand je l’ai eu au téléphone, nous avions parlé de l’attaque de Charlie Hebdo. Je lui ai dit: « Maman a peur ». Elle m’a répondu de ne pas m’inquiéter, que ce n’était pas dans son secteur et qu’on lui avait dit de porter son gilet pare-balles.

Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui?

Il y a comme un grand vide. J’ai l’impression que sans ma fille, il n’y a pas de vie. Depuis les attentats, ma santé n’est pas très bonne: il y a l’angoisse, l’hypertension, mes problèmes de jambes… En novembre, avec les nouvelles attaques, c’est comme si on avait tué à nouveau Clarissa. Le stress revient. Je vois un psychologue tous les vendredis. J’ai beaucoup d’interrogations sur la mort de ma fille. J’aimerais comprendre ce qu’il s’est passé ce matin-là. Pourquoi est-ce elle qu’on a envoyé? Pourquoi n’est-elle pas restée au poste?

Et puis, il y a cette question: Coulibaly a-t-il tué ma fille à cause de sa tenue de policière ou était-elle au mauvais endroit au mauvais moment? Mon coeur est rempli de haine à son encontre. Je préfère penser que ma fille n’était pas la cible. Il a demandé qui était de quelle religion dans le supermarché, ce qui semble prouver qu’il voulait plutôt s’attaquer à l’école juive de Montrouge et non à elle. Je me fie à ça. En mourant, Clarissa a sans doute sauvé des vies. C’est un ange. Mais c’est aussi une victime collatérale. Elle paye pour tout le monde.

Est-elle une victime « différente » des autres?

C’est une victime oubliée et c’est injuste. Elle est morte seule, entre deux gros attentats, alors on en parle moins. Je suis très fière qu’elle reçoive un hommage samedi, j’espère qu’elle pourra le voir de là où elle est. Mais, à côté de ça, on l’a laissée de côté toute l’année. Elle est pourtant morte pour la France en faisant son travail. C’est une héroïne. La France n’a pas été reconnaissante envers elle. C’est comme le policier que les terroristes ont tué près du parc [Ahmed Merabet, NDLR], il a eu sa plaque aujourd’hui [mardi, NDLR] mais sinon, on ne parlait pas de lui avant. On dit: « Je suis Charlie » mais il faudrait dire aussi « Je suis Clarissa »! On a l’impression que les policiers sont des victimes en dessous des autres.

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Je n’ai pas vraiment été soutenue par l’Etat cette année. Je me suis sentie isolée. Pour venir samedi, j’ai dû avancer mon billet et c’est la mairie de Poissy [où vivait Clarissa, NDLR] qui a promis de me rembourser. Je n’ai reçu encore aucun dédommagement financier pour l’attentat. L’offre que le fonds a faite n’était pas correcte.

Quelle image souhaitez-vous qu’on garde de Clarissa?

C’était une personne qui faisait tout avec son coeur, qui voulait toujours aider les autres. Depuis toute petite, elle voulait être policière. Je lui disais que c’était dangereux. Mais elle a toujours aimé avoir des boulots masculins. Elle a aussi été agent de sécurité. Elle faisait beaucoup de sport. Son père l’a laissée très tôt. Il y avait des problèmes à la maison. Elle me disait: « Je vais devenir policière pour lui montrer qu’on n’a pas besoin de lui, qu’on peut se débrouiller. »

« Je préfère penser que ma fille n’était pas la cible »

http://www.lexpress.fr/ – Propos recueillis par

A lire aussi :

Un an après, la douleur des proches de Clarissa Jean-Philippe

 

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Cette entrée a été publiée le 11/01/2016 par dans Société, et est taguée , , , .

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