Les compétences des régions ont rarement été abordées pendant la campagne. Le pouvoir du FN serait limité, mais lui permettrait de se faire la main avant la présidentielle.
À quoi ressemble un pouvoir FN local ? Si l’on se réfère à la gestion des villes conquises par le FN depuis les années quatre-vingt-dix, mais surtout en 2014 lors des dernières municipales, il est difficile de tirer d’enseignement général. Bruno Mégret et sa femme avaient certes laissé le souvenir d’une gestion hystérique et désastreuse à Vitrolles. Moins de subvention à l’art « déviant », davantage de police municipale, refus absolu des mosquées, vie culturelle réduite à la valorisation du patrimoine local… et une ambiance délétère au sein du conseil municipal.
Mais la nouvelle génération d’élus FN est moins outrancière. À Hénin-Beaumont, en janvier dernier, le maire FN Steve Briois était désigné « élu local 2014 » par le « Trombinoscope », palmarès d’un annuaire professionnel regroupant 25 000 élus. À Béziers, Robert Ménard est toujours très populaire, et le candidat du FN dans la région Midi-Languedoc, Louis Aliot, a réuni près de 46 % des voix au premier tour de ces régionales dans cette ville.
« On s’est habitué aux victoires du FN, pas en termes d’élus, mais avec des mobilisations importantes » explique au Monde Laurent Bouvet, professeur de sciences politiques à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. « L’affaissement général de la gauche joue beaucoup » ajoute-t-il ; « Marine Le Pen représente non pas un espoir, mais une nouveauté. »
Tout n’est pas non plus parfait dans les villes FN du XXIe siècle. Loin de là. Le quotidien Libération a décrit dans un reportage (édifiant) à Hayange, ville de Moselle gérée par Fabien Engelmann, « une petite dictature » qui cumule « gestion calamiteuse et règne de la terreur ». À Fréjus ou Beaucaire, les élus d’opposition sont inquiets à cause du manque de dialogue, de dérapages, d’une « chasse au gaspi » trop zélée…
Quant à la vie culturelle, elle se limite bien souvent au théâtre boulevardier, aux gloires déchues de la chanson française, aux one-man shows de stars locales, etc.
La région a un rôle très important de coordination, de planification, de mise en relation des acteurs. Elles ne travaillent pas seules dans leur coin, et les transferts de pouvoirs que l’État leur a accordés au fil du temps sont bien moindres que les Länders allemands, par exemple.
Dans Le Monde, Laurent Davezies, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, spécialiste des inégalités régionales, explique : « On a fait croire aux Français que les régions pilotaient l’économie régionale. C’est un leurre. (…) Les possibilités de nicher vos idées politiques sont très réduites. Les murs des lycées, les transports régionaux ou l’apprentissage n’offrent pas beaucoup de marge de manœuvre, à l’exception du retrait de certaines subventions aux associations ».
Les régions n’ont pas de compétence de police. Leur budget culturel est très limité : elles financent les musées régionaux, les archives régionales, l’archéologie préventive, le FRAC… C’est donc plutôt du côté de l’art contemporain que les acteurs locaux pourraient avoir des inquiétudes.
Dans les transports, elles gèrent les TER en partenariat avec la SNCF. Le Front national a beau jeu de dire, dans ses programmes, qu’il tapera du poing sur la table pour faire respecter la ponctualité ou les cadences des trains : les régions le font déjà.
Sur l’emploi, l’économie locale et la formation, là encore la Région a surtout un rôle de coordination des actions. Ce n’est pas le conseil régional qui décide quelle entreprise peut s’implanter, et les régions doivent respecter scrupuleusement un code des marchés publics très contraignant.
Dans les lycées, elles n’ont aucun pouvoir sur les personnels ou les programmes, toujours chasse gardée de l’État. Les régions s’occupent des murs, des menus des cantines, de l’entretien.
Plus loin, Laurent Davezies ajoute : « Rien ne changera fondamentalement pour les habitants » en cas de victoire du FN. « Ce parti pourra dire : « voyez, on sait très bien gérer les choses ». Et les électeurs se diront : « En effet, il n’y a pas de catastrophe majeure » ».
Le danger selon lui ? « L’idée que le FN puisse ainsi diriger la France fera son chemin. Le danger du FN en région est grand, précisément parce qu’il ne prend aucun risque. »
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