La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) publie aujourd’hui un nouveau rapport sur le racisme, la discrimination raciale et l’intolérance en France.
Lire le Rapport de l ECRI sur la France
ECRI prend note des progrès accomplis depuis la parution de son dernier rapport sur la France mais elle identifie également des domaines à améliorer.
Le résumé de ses principaux constats figure ci-après.
Depuis la publication du troisième rapport de l’ECRI sur la France le 15 février 2005, des progrès ont été accomplis dans un certain nombre de domaines abordés dans le rapport.
La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (ci-après: la HALDE), mise en place en 2005, joue un rôle clé et croissant dans la lutte contre les discriminations qui relèvent du mandat de l’ECRI.
La mise en place il y a quelques années de nouvelles normes ou de nouveaux outils en droit pénal pour lutter contre le racisme commence à porter ses fruits en matière de réponse de la justice pénale aux infractions racistes. Dans le monde politique, les propos ouvertement racistes sont généralement condamnés par la classe politique et font l’objet de vives réactions quand ils sont prononcés.
Pour lutter contre les discriminations, le droit pénal, civil et administratif français a été renforcé récemment et des mesures ont été prises afin d’améliorer l’application des dispositions juridiques pour lutter contre la discrimination raciale.
Les autorités françaises ont déjà pris ou sont en train de prendre des mesures de politique générale pour lutter contre la discrimination et pour promouvoir l’égalité des chances et la diversité dans les domaines de l’emploi, de l’éducation et des medias audiovisuels.
Concernant l’éducation, un certain nombre de mesures préventives ont été prises pour sensibiliser les élèves aux problèmes de racisme et de discrimination, par exemple par le biais de conventions de partenariat avec certaines ONG de lutte contre le racisme ou avec la HALDE.
La législation concernant le statut des non-ressortissants et l’asile a fait l’objet de modifications dont certaines ont entraîné un progrès en matière de droits fondamentaux des non-ressortissants notamment en matière de procédure d’asile. Les autorités ont continué à prévoir des mesures d’intégration notamment à l’attention des femmes et des jeunes immigrés. La Cité nationale de l’histoire de l’immigration a été ouverte en 2007.
Il y a eu une véritable réflexion et un large débat sur la question de la mesure de la diversité et les « statistiques ethniques » comme outils permettant de mieux lutter contre la discrimination ou de mesurer la diversité.
L’ECRI se félicite de ces développements positifs en France. Cependant, malgré les progrès accomplis, certains points demeurent préoccupants.
Concernant la mise en œuvre des dispositions pénales pour lutter contre le racisme, un des problèmes qui reste à résoudre est le trop grand nombre de victimes d’actes racistes ou de discrimination raciale qui hésitent à porter plainte, en particulier auprès de la police.
Le problème de discrimination raciale persiste dans l’a cc ès à l’emploi, à l’éducation et aux biens et services et touche en particulier des groupes minoritaires tels que les minorités visibles, les musulmans, les Gens du voyage et les Roms venant de pays d’Europe centrale et orientale.
Il y a un problème de représentation disproportionnée d’enfants d’origine immigrée au sein de certains établissements scolaires. En dépit d’une mobilisation importante contre le racisme à l’école, l’ECRI est préo cc upée d’apprendre qu’il y a encore des signalements d’actes (agressions verbales ou physiques) racistes et/ou antisémites au sein des établissements scolaires.
Plusieurs propos tenus notamment sur les questions d’immigration et d’intégration par des responsables politiques, y compris par des élus et des membres du gouvernement, ont été ressentis comme encourageant l’expression du racisme et particulièrement de xénophobie. Certains médias français véhiculent parfois des préjugés et stéréotypes racistes. Selon plusieurs sources, la situation est extrêmement préoccupante en France en ce qui concerne le racisme sur Internet.
Concernant la situation des Gens du voyage qui mènent un mode de vie itinérant, en dépit de quelques progrès dans la mise en œuvre des lois qui prévoient la construction obligatoire d’aires de stationnement, les objectifs de ces lois n’ont pas été atteints et le nombre d’aires de stationnement disponibles ne suffit donc toujours pas à répondre à la demande.
La situation d’un grand nombre de Roms venant des pays d’Europe centrale et orientale reste extrêmement précaire en matière d’accès à un logement décent, aux soins et à l’éducation.
Les Gens du voyage, ressortissants français, et les Roms venant des pays d’Europe centrale et orientale continuent de souffrir d’un climat d’opinion généralement hostile, y compris de préjugés racistes.
On note en France une persistance d’attaques verbales ou physiques dirigées contre des personnes musulmanes et d’attaques contre des mosquées et des tombes musulmanes, et une certaine méfiance à l’égard des musulmans continue d’exister dans une partie du grand public.
Les actes antisémites persistent en France. Parmi les actes recensés ces dernières années, il y a des attaques violentes contre des personnes physiques d’origine juive, des lieux de culte, des biens appartenant à des personnes d’origine juive, mais aussi des violences verbales, des tracts et des graffitis antisémites.
La législation actuelle relative aux non-ressortissants a été généralement décrite comme rendant plus difficile la défense des droits fondamentaux des ressortissants extracommunautaires et comme entraînant sur plusieurs plans une précarisation de leur statut juridique en France, ce qui complique au bout du compte le processus d’intégration.
La politique d’établissement d’objectifs chiffrés par le gouvernement en matière d’éloignement des non-ressortissants en situation irrégulière crée apparemment des tensions au sein de la société française et des administrations concernées et entraîneraient des excès concernant la pratique en matière d’interpellation, de rétention, et de retour des étrangers. Certaines mesures prises par les autorités pour réguler l’immigration et combattre l’immigration illégale, y compris les objectifs chiffrés mentionnés ci-dessus, ont été décrites par les ONG de droits de l’homme et de lutte contre le racisme comme contribuant à la stigmatisation des non-ressortissants, y compris comme favorisant une suspicion généralisée de fraude à leur encontre.
Tout en saluant les mesures prises par les autorités en vue de favoriser l’intégration des non-ressortissants, l’ECRI met en garde contre des excès dans ce domaine pouvant résulter de mesures obligatoires telles que le contrat d’accueil et d’intégration entre l’immigré et l’Etat et le test d’intégration comme condition d’entrée sur le territoire français.
On note la persistance d’allégations de comportements discriminatoires de la part de représentants de la loi à l’encontre de membres de groupes minoritaires et notamment de minorités visibles. La question du profilage racial a été soulignée par plusieurs sources comme un problème sérieux en matière de contrôle d’identité.
Dans le présent rapport, l’ECRI demande aux autorités françaises de prendre des mesures supplémentaires dans un certain nombre de domaines ; elle formule une série de recommandations, dont les suivantes.
Compte tenu du rôle clé que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) joue dans la lutte contre la discrimination raciale, l’ECRI recommande aux autorités françaises de continuer à soutenir cette institution. Il convient de veiller tout particulièrement à ce que cette institution soit régulièrement consultée et que se développe une véritable coopération avec les autorités en prenant notamment en compte ses avis et recommandations dans les domaines d’expertise qui sont les siens.*
L’ECRI encourage les autorités françaises à rapidement mettre en place le dispositif permettant un meilleur accueil des victimes, et notamment des victimes d’actes racistes, venant porter plainte auprès de la police afin d’améliorer encore la réponse du système judiciaire aux infractions racistes. L’ECRI recommande vivement aux autorités françaises de poursuivre et de renforcer leurs efforts pour améliorer la mise en œuvre des dispositions pénales interdisant la discrimination raciale, en continuant notamment d’informer spécialement sur ce point les victimes et de sensibiliser les acteurs du système judiciaire sur les dispositions existantes.
L’ECRI recommande aux autorités françaises de poursuivre leurs efforts afin de lutter contre la discrimination raciale dans tous les aspects de l’accès à l’emploi, au logement, à l’éducation, et à promouvoir l’égalité des chances et la diversité dans tous ces domaines.
L’ECRI recommande vivement aux autorités françaises de continuer à prendre des mesures pour remédier à l’exploitation du racisme dans le discours politique. Elle recommande vivement aux autorités françaises de lutter contre toutes les manifestations de racisme, en particulier contre les minorités visibles, les musulmans, les Gens du voyage et les Roms venant des pays d’Europe centrale et orientale.
L’ECRI recommande vivement aux autorités françaises de poursuivre et de renforcer leurs efforts en vue de lutter contre les formes d’expression raciste diffusées au moyen d’Internet. Elle souligne combien il est important d’assurer le suivi de cette question et d’informer le public sur l’évolution de la situation dans ce domaine. L’ECRI recommande de mener une campagne d’information auprès du grand public sur l’interdiction des propos incitant à la haine raciale véhiculés par le biais d’Internet et sur la possibilité de signaler les contenus portant atteinte à cette interdiction.*
L’ECRI recommande vivement aux autorités françaises de trouver d’urgence et en concertation avec les Gens du voyage, des solutions permettant une scolarisation effective et durable des enfants des Gens du voyage itinérants ou semi-itinérants adaptées à leur mode de vie. Il convient en particulier de prévenir tout cas de refus, par une municipalité, d’inscrire ces enfants à l’école.*
L’ECRI recommande vivement aux autorités françaises de réviser la législation sur l’immigration et le droit des non-ressortissants et la pratique y relative afin d’identifier les problèmes éventuels concernant les droits fondamentaux des non-ressortissants et de prendre toutes les mesures correctives nécessaires pour éviter toute atteinte à ces droits dans l’application de la loi. L’ECRI recommande aux autorités françaises de continuer à prendre des mesures incitatives en faveur de l’intégration, en veillant à ce que l’intégration soit conçue comme un processus à double sens qui implique une reconnaissance mutuelle entre la population majoritaire er les groupes minoritaires.
L’ECRI exhorte les autorités françaises à prendre des mesures pour lutter contre tout comportement discriminatoire de la part des représentants de l’ordre, y compris le profilage racial notamment en définissant et interdisant clairement ce profilage racial dans la loi, en menant des recherches sur le profilage racial et en assurant un suivi des activités de police afin d’identifier des pratiques de profilage racial.
Le Collectifdom a été interrogé pour la rédaction de ce rapport, notamment pour ce qui concerne la situation des français originaire d’Outre-mer.
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