Le meurtre d’un jeune pour des motifs aussi stupides est toujours un drame et ce jeune homme, victime d’origine antillaise, qui était venu jouer au rugby dans cette très belle région ; assassiné chez lui, me laisse le goût amer du refus de vivre ensemble, de la violence et de l’intolérance.
RP. Collectifdom
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Huit acteurs présumés, a priori les complices, du meurtre de Millau (Aveyron) ont été présentés hier à Montpellier (Hérault) devant le juge d’instruction. Tous, dont trois mineurs entre 14 et 16 ans, ont été mis en examen pour complicités d’assassinat, tentatives d’assassinat et complicités de violences et placés en foyer.
Dans le même temps, Brice Robin, procureur de la République de Montpellier a ouvert une information judiciaire notamment pour assassinat visant les faits qui se sont produits le samedi soir 1er mai dans un immeuble de la place Foch à Millau. Dix-neuf jeunes, dont certains cagoulés, avaient attaqué, avec des armes blanches, à leur domicile, un petit groupe de Haïtiens. Jean Ronald, jeune Antillais de 21 ans était décédé après avoir reçu plusieurs coups de couteau. Deux de ses proches avaient été blessés dans cette rixe en appartement.
Mais les trois auteurs principaux présumés, notamment l’auteur des coups mortels, sont toujours en fuite. Ce dernier avait été la victime d’une première bagarre survenue entre les différents acteurs du drame quelques semaines plus tôt. La flambée de violence, préméditée et même préparée, pourrait avoir pour origine l’esprit de vengeance, augmenté d’une forte connotation raciste. Lors de perquisitions, les enquêteurs auraient mis la main sur des documents qui pourraient accréditer cette thèse. Reste à établir les responsabilités de chacun. « Pour l’instant, c’est assez difficile de se faire une idée. Car dans le dossier, nous disposons surtout de témoignages anonymes» expliquait hier soir Me Jeanne Fournier qui défend un jeune de 18 ans mis en examen.
Tard hier soir, le juge des libertés procédait à l’interminable audition des huit prévenus qui font tous l’objet d’une demande de placement en détention de la part du procureur de la République de Montpellier.
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Au bout de neuf jours d’enquête, le puzzle commence à prendre forme. Sur les dix-neuf Millavois ayant participé à cette « opération commando », huit d’entre eux ont été mis en examen vendredi par le juge d’instruction pour « assassinat, tentative d’assassinat, complicité d’assassinat et violence volontaire en réunion avec armes et préméditation ».
Parmi eux, trois mineurs ont été relâchés et placés sous contrôle judiciaire dans un foyer ou au sein de leur famille hors de l’Aveyron. Même sort pour deux autres majeurs suspectés, libérés sous contrôle judiciaire après leur passage devant le juge des libertés. Enfin, les trois autres mis en examen ont été incarcérés.
Si plusieurs des protagonistes ont déjà eu affaire à la justice, ces derniers sont dépeints comme de petits délinquants.
// Si les agresseurs présumés ne sont, pour l’heure, pas poursuivis pour la circonstance aggravante de racisme, la thèse de violences intercommunautaires à caractère raciste a bel et bien été lâchée vendredi par le procureur pour qui la préméditation ne fait d’ailleurs aucun doute. Un document explicite retrouvé au domicile de l’un des suspects en fait la preuve.
Et le mobile de l’expédition punitive ?
Selon les nombreux témoignages recueillis par les enquêteurs durant la semaine, une telle flambée de violence serait née un mois auparavant, à la suite d’un simple échange de regards suivi d’une bagarre sur la place du Mandarous ayant opposé deux membres des communautés antillaise et maghrébine.
Lors de cette rixe dans laquelle Jean-Ronald ne serait pas impliquée, le jeune maghrébin, aujourd’hui recherché, reçut deux coups de poing lui fracturant la mâchoire. L’envie d’en découdre, de se venger, aurait ensuite mûri dans son esprit, aboutissant dans la nuit du 8 au 9 mai, à l’issue d’un macabre scénario, à la mort brutale d’un jeune homme visiblement victime d’un règlement de comptes dont il était étranger.
La rédaction de Millau
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Un jeune Antillais de 21 ans a été tué, samedi soir, dans son appartement de la place Foch à Millau. Poignardé à quatre reprises, il aurait été victime de la vengeance d’une bande de jeunes d’une cité voisine. Deux autres personnes ont également été blessées durant cette funeste soirée. L’une en sautant par la fenêtre du deuxième étage. L’autre, toujours à l’arme blanche.
Le parquet de Montpellier a été saisi de l’affaire. Et si les policiers millavois ont procédé aux premières constatations, l’enquête est aujourd’hui menée par la PJ de Toulouse. Dans la petite ville sud-aveyronnaise, c’est bien sûr la stupeur et la consternation qui l’emportent.
A Millau (Sud-Aveyron), la place Foch est un petit coin tranquille où, le printemps venu, il fait bon prendre
le frais sous des platanes hors d’âge. On y vient aussi pour siroter un demi ou dîner. A deux pas du musée, les petits immeubles surplombent des arcades qui rappellent le passé flamboyant de la ville. C’est là, au coin de la rue de la Capelle que Jean Ronald D’Haïti habitait depuis deux ans. C’est aussi là que ce jeune homme de 21 ans originaire de Saint-Martin (Antilles), est mort, samedi soir, vers 23 heures, poignardé à quatre reprises au niveau de l’abdomen. Vraisemblablement victime d’une expédition punitive sur fond de rivalité entre bandes et, selon certaines sources, de trafic présumé de drogue.
Tout s’est joué en quelques minutes. Il est alors 23 heures quand une dizaine de personnes, encagoulées ou le visage simplement recouvert d’un foulard, fait irruption dans la cage d’escalier. Alertés par le bruit, Jean Ronald d’Haïti et ses amis (trois garçons et une fille également d’origine antillaise) délaissent leur série télé pour s’enfermer à double tour.
Mais les assaillants sont nombreux et déterminés à entrer rapidement dans le petit appartement situé au 2e étage. La porte ne résiste pas longtemps. La suite, c’est un déchaînement de violences insensé. Armés de battes de base-ball, de poings américains ou encore de sabres, ils s’attaquent à tout ce qui bouge. KO debout, l’un des locataires réussit à se réfugier dans les toilettes.
La jeune fille et deux de ses amis sautent par la fenêtre et échouent sur un balcon, un étage plus bas. La jambe fracturée, elle n’ira pas plus loin. L’un des deux fugitifs n’en reste pas là. Il finit par retrouver le plancher des vaches, une horde de sauvages derrière lui. Il sera finalement rattrapé quelques mètres plus loin, place Emma-Calvé. Battu, il est lui aussi blessé de deux coups de couteau, l’un au bras, l’autre à la jambe. Laissé pour mort dans un bain de sang, il serait toutefois hors de danger aujourd’hui.
Pour Jean Ronald, qui n’a pas pu s’échapper, c’est déjà trop tard. « J’ai vu un des gars s’acharner sur lui », explique une voisine. Le locataire du troisième étage lance finalement ses chiens sur les agresseurs qui prennent la fuite. « Je me suis alors rapprochée de lui. Il respirait encore, il bougeait, il s’est tourné vers moi et… »
Un mort, deux blessés graves, deux autres personnes sous le choc et une communauté entière en deuil : le bilan est lourd. Et l’enquête confiée par le parquet de Montpellier à la police judiciaire de Toulouse devra être rondement menée. Hier matin, la ville de Millau bruissait en effet des pires rumeurs. Les victimes auraient reconnu leurs agresseurs et donnaient des noms. Il pourrait s’agir de jeunes gens d’une cité voisine venus se venger après plusieurs incidents.
« Toutes les hypothèses sont ouvertes, insiste pour sa part, le procureur de la République, Patrick Desjardins. En tout état de cause, ce drame s’inscrit dans un climat très lourd. » Si la préméditation était retenue, les auteurs des faits pourraient être poursuivis pour assassinat et se retrouver devant une cour d’assises. En attendant, ils courent toujours.
« Ici, ce n’est quand même pas Chicago ! »
Le maire de la commune appelle au calme et à la retenue
Il y a plusieurs années, un quartier de Millau, petite cité tranquille du Sud-Aveyron, avait été baptisé un peu hâtivement : Chicago ! Une réputation marquée au fer rouge après quelques faits de violence… L’eau ayant beaucoup coulé sous le plus célèbre viaduc du monde, les Millavois avaient fini par oublier cette anecdote.
Jusqu’à samedi soir date à laquelle certains ont vu s’agiter sous leurs yeux des jeunes gens armés de machettes. Il n’en fallait pas plus pour relancer la mauvaise blague dont le maire de la commune se passerait bien volontiers aujourd’hui. « Franchement, explique Guy Durand, je n’aurai pas cru la chose possible à Millau. On parle quand même d’un meurtre. C’est terrible, je suis atterré. »
Tout le monde n’a pas été aussi surpris. Place Foch, théâtre du drame, les langues n’ont pas tardé à se délier dès hier matin : « Vous voulez que je vous dise, c’était à prévoir », avançaient les uns. « Il y avait quelques embrouilles, bien évidemment, mais de là à tuer un jeune. De venir se venger avec des battes de base-ball, des sabres et des couteaux. Millau, c’est quand même pas Chicago », suggéraient les autres. Chicago, on y revient encore.
« Je suis inquiet, c’est un événement particulièrement grave. » Guy Durand ne veut pas céder à la panique pour autant. « Il ne faut pas s’affoler. J’appelle les Millavois au calme et à la retenue. Ce climat de violence ne doit pas s’installer dans la ville. » Par crainte de représailles, d’une communauté sur l’autre, la police s’apprêtait toutefois à intensifier ses rondes. Au cas où… Au même moment, à l’autre bout de la planète, un père apprenait la mort de son fils de 21 ans.
Dominique MERCADIER et Jérémy BEAUBET – Le Midi Libre
Mourir pour un regard ou un territoire… C’est déjà inacceptable, mais être tué pour ces motifs et n’y être pour rien, c’est encore plus désolant.
Espérons que les assassins sauront faire face à leurs actes, image même de la lâcheté : 20 contre 4, puissamment armés avec la haine pour seule conseillère. Que diront-ils à leurs enfants plus tard ?